Mener un projet intercommunal - l'exemple de la création d’une cuisine mutualisée dans l’agglomération nantaise

Le 4 septembre 2022

Dans la métropole nantaise, 3 communes ont décidé de mutualiser la confection des repas servis dans leurs cantines scolaires. Le projet, initié en 2018, vise la construction d'une cuisine centrale commune, la "Fabrik Sud-Loire", pour fournir dès septembre 2024 des repas locaux et bio dans les assiettes des écoles publiques locales, mais aussi leurs centres de loisirs et plusieurs instituts médico-éducatifs du territoire.

Laurence de Boulois, Directrice Générale des Services de la ville de Vertou, nous emmène derrière les coulisses de ce projet ambitieux.

cantine1

Qui a été à l'initiative du projet ? Comment a-t-il été lancé ?

Deux élus ont été à l'origine du projet en 2018 - les maires de Vertou et de St Sébastien - qui constataient tous deux que leur cuisine centrale arrivait en fin de vie et se questionnaient sur la marche à suivre pour la suite.

De ce constat est née l'idée de faire un projet commun, d'abord sur la question de l'équipement, mais aussi du projet alimentaire qu'il y a derrière ; en l'occurrence approvisionner les cantines en produits bios mais aussi locaux.

Un "appel du pied" a ensuite été fait aux communes limitrophes en passant par le réseau de la Métropole de Nantes, mais aussi celui du canton, pour les inviter à manifester leur intérêt à rejoindre le projet.

Celles-ci étaient invitées à participer à une étude de pré-faisabilité menée par un cabinet privé, trouvé par le réseau et qui était déjà intervenu dans la région nantaise. Les collectivités ne sont pas spécialistes sur le sujet : la taille de la cuisine allait nous faire entrer dans le monde méconnu de la restauration collective, avec des enjeux de qualité, performance, d'optimisation. Nous avions donc besoin d'un expert pour cerner les enjeux d'impact, de faisabilité, de coût et de tarification, et cela a été précieux.

A l'issue de celle-ci, 3 communes ont souhaité poursuivre : Vertou, St Sébastien et Les Sorinières.

Quel statut juridique avez-vous choisi pour mener ce projet intercommunal ?

Nous avons d'abord constitué un groupement en 2019.

En 2020 et 2021, nous avons pris le temps de nous décider sur la forme juridique et avons été pour cela accompagnés par un cabinet juridique. C'est une question très importante, trop souvent sous-estimée. En effet, le cadre juridique influe aussi sur les sphères fiscales, financières et de ressources humaines : il faut donc savoir prendre le temps de choisir le bon statut dès le départ. Entrent par exemple en considération :

  • le choix du statut public ou privé, ce qui a une importance au niveau du personnel (ex : les fonctionnaires ne pourraient plus garder leur statut)
  • le régime de TVA
  • la prestation de service
  • l'éligibilité aux fonds de concours auxquels on avait traditionnellement recours...

A partir de là, nous avons pu commencer à travailler sur le projet alimentaire, et consulté d'autres structures que nos écoles publiques à qui cette cuisine pouvait bénéficier (écoles privées, hôpitaux, centres aérés). A l'issue de cette consultation, un institut médico-éducatif est entré dans le groupement.

Vous l'avez souligné, l'accompagnement par un expert est primordial pour vous soutenir sur tous les sujets sur lesquels la collectivité n'est pas spécialiste. Avez-vous eu recours à un prestataire supplémentaire, notamment sur la partie construction ?

Début 2022, nous avons effectivement fait appel à un prestataire supplémentaire pour choisir l'architecte adéquat en fonction de nos besoins. Nous avions besoin d'une garantie d'expertise, car le domaine des process industriels nous était inconnu, et ce prestataire avait déjà plusieurs cuisines centrales dans la région à son actif. Il nous a aidé à sortir un cahier des charges pour notre concours de maîtrise d'œuvre, afin d'avoir en sortie un projet parfaitement fonctionnel.


fabrik sud loire

Parlons maintenant du financement, tant pour l'investissement en équipement qu'en personnel : comment vous êtes-vous organisés entre les 3 communes pour la recherche d'aides et l'apport de fonds ?

La commune de Vertou, à l'initiative du projet, a d'abord avancé les études préalables, puis s'est fait rembourser à la constitution du groupement. Aujourd'hui, tous les membres du groupement - les 3 communes et l'institut médico-social - participent financièrement.

La répartition des charges (études, programmation, personnel...) se fait en fonction du volume de repas fourni par chaque collectivité auprès des bénéficiaires.

Sur la partie investissement, nous avons d'abord eu recours à des emprunts, dont les annuités vont faire l'objet de participations communales. La recherche de subventions se fait quant à elle au nom du groupement, auprès de la Métropole, du Département, du FEDER - nous cherchons sur toutes les échelles.

Cela demande beaucoup de temps et nous avons pris conscience de la nécessité d'équiper le groupement de personnel propre, et non d'ajouter une ligne sur les fiches de postes très fournis du personnel existant. Nous avons donc déjà recruté un directeur de projet pour le groupement, 100% dédié au travail sur ce projet, des études à la mise en exploitation du projet alimentaire. Nous avons en tête de recruter un poste complémentaire d'assistance comptable et administrative par la suite, quand se poserons les questions d'approvisionnement, de marchés publics, de suivi des chantiers...

En conclusion, il faut ainsi souligner qu'avant même le début de l'exploitation, la phase "projet" prend beaucoup de temps : de 2019 à 2024 ici ! Et celle-ci demande des compétences, une grosse charge de travail, et il faut savoir assumer les charges de personnels avant même l'ouverture.

Ce projet est mené sur plusieurs mandatures : comment inscrire un projet de long terme ?

Nous avons bien sûr été aidés par la continuité des conseils municipaux pour les trois communes à l'origine du projet. Pour mener des projets intercommunaux, il faut prendre en compte la temporalité du mandat : en l'occurrence ici, l'idée avait été initiée en fin de mandature, on n'était au moment des élections qu'à la genèse du projet, ce qui aurait donc eu des conséquences moins dramatiques en cas de changement de majorité.

Pour résumer, si c'était à refaire, quels conseils donneriez-vous à une autre commune pour mener un projet commun de ce genre ?

Je soulignerais 2 points mentionnés précédemment :

  • La question de la forme juridique "dépasse le juridique" et touche au financier, au RH...il faut prendre le temps de bien poser ces éléments-là
  • La phase projet prend du temps : il y a des compétences et ressources à affecter à 100%, avant la mise en oeuvre et l'exploitation - affecter un peu de temps de chaque personnel n'est pas suffisant pour faire avancer le projet efficacement et au final gagner du temps.

Pour aller plus loin

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Bettina Leblanc

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